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Droits de l'enfant et parentalité : quelle place ?

Dernière mise à jour : 3 avr. 2021

En France, les droits de l'enfant sont assez souvent méconnus de beaucoup d'adultes et des enfants eux-même. Lorsque l'on parle de parentalité, il est assez rare que les droits de l'enfant soient clairement abordés. Notamment concernant les violences éducatives ordinaires ou VEO, cela peut même ne pas sembler opportun de le faire par crainte de heurter le parent ou qu'il se sente culpabilisé alors que l'on souhaite être bienveillant envers lui. Les droits de l'enfant et le soutien à la parentalité sont-elles deux approches à dissocier ?

Informer les parents des VEO et des droits de l'enfant va-t-il à l'encontre de l'accompagnement à la parentalité ? Et si nous commencions par se rappeler ce que recouvrent tous ces termes et leurs buts ?

Les droits de l'enfant inscrits dans la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE) depuis 1989 sont nés de la nécessité de garantir la survie et le développement des enfants déjà vulnérables en les reconnaissant comme des sujets porteurs de droits alors qu'ils étaient perçus jusque là plutôt comme des objets appartenant au bon vouloir de leurs parents.

En plus de permettre le bon développement de l'enfant, la CIDE vise 3 autres grands principes : l'intérêt supérieur de l'enfant devant primer dans les choix et décisions le concernant, sa participation doit être recherchée et les droits de l'enfant doivent être respectés pour tout enfant quel qu'il.elle soit et d'où qu'il vienne.

La CIDE engage les Etats à prendre des mesures pour garantir les droits de l'enfant déclinés en 54 articles, notamment auprès des adultes ayant la responsabilité des enfants.

L'article 18 stipule ainsi : « Les Etats parties s'emploient à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l'intérêt supérieur de l'enfant. »

Plus loin l'article 27 déclare que « les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social. Les Etats Parties adoptent les mesures appropriées...pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l'enfant à mettre en œuvre ce droit... »

L'article 19 qui énonce d'abord le droit des enfants d'être protégé de toute forme de violence, précise aussi en second lieu « ces mesures de protection comprendront des procédures efficaces pour l'établissement de programmes sociaux visant à fournir l'appui nécessaire à l'enfant et à ceux à qui il est confié, ainsi que pour d'autres formes de prévention... »

Le soutien à la parentalité a donc une grande place dans la CIDE pour l'intérêt supérieur de l'enfant qui est vulnérable et dépend totalement des adultes en ayant la responsabilité, afin de garantir son développement et son bien-être.


La parentalité est un terme apparu assez récemment qui recouvre différentes approches psychologiques, sociales et juridiques. Le CODE* (coordination des ONG pour les droits des enfants) les résume ainsi : "la parentalité peut bel et bien être définie comme un processus (plus qu’un rôle ou une fonction) qui, naissant et se nourrissant de l’interaction parent-enfant, implique des droits et des devoirs du parent vis-à-vis de son enfant, des mécanismes psychiques et affectifs pour répondre aux besoins de l’enfant (mécanismes qui sont d’ailleurs à l’œuvre chez tout parent, y compris avant la naissance de l’enfant), ainsi que des pratiques (de soins et éducatives). La parentalité relève à la fois du privé et du public. En effet, elle se vit au quotidien et fonde le métier de parent (qui prend soin de son enfant, l’éduque, etc.)."

Ainsi, la parentalité se construit peu à peu, en interaction avec l'enfant et tel que chaque parent le vit dans son contexte, tout en comprenant un aspect juridique définissant des droits et des devoirs relatifs à l'autorité parentale. L'article 371-1 du code civil décrit l'autorité parentalité comme ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant : elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation du mineur pour protéger l'enfant, assurer son éducation et permettre son développement.

Nous voyons là déjà une grande concordance avec les principes énoncés dans la CIDE.

De plus, depuis la loi du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires, un ajout a été inséré à l'article 371-1 et déclare que «l'autorité parentale s'exerce sans violence physique ou psychologique », appliquant ainsi l'article 19 de la CIDE qui engage les Etats à interdire tous les châtiments corporels (fessées, claques...) et les humiliations envers les enfants.

L'autorité parentale correspond donc bien plus à une notion de responsabilité parentale avec des droits et des obligations incluant de respecter les droits de l'enfant, répondant à leurs besoins fondamentaux pour bien se développer.

Le soutien à la parentalité tel qu'il est présenté par le ministère des solidarités et de la famille « constitue autant une réponse au besoin d’accompagnement que nombre de parents expriment, qu’un levier essentiel de prévention globale et universelle dans de multiples domaines (santé, réussite scolaire, conséquences néfastes des ruptures familiales,…) qui mobilisent de très nombreux partenaires, publics comme privés. »


Les droits de l'enfant et le soutien à la parentalité poursuivent ainsi des objectifs communs dans l'intérêt supérieur de l'enfant afin de garantir son développement et son bien-être dans une optique de prévention et de promotion de la santé.

Les dernières politiques de protection de l'enfance s'appuient d'ailleurs fortement sur les droits de l'enfant.

Nous savons que cela est d'autant plus important que nous avons davantage connaissance depuis ces dernières décennies de l'impact sur la santé et le développement de l'enfant quand ses droits ne sont pas respectés.

S'agissant des violences éducatives ordinaires ou VEO qui sont l'ensemble des pratiques éducatives violentes visant à faire obéïr l'enfant ou le punir (fessées, claques, menaces, cris humiliations…), nous savons maintenant par de nombreuses études scientifiques, qu'elles risquent d'avoir des effets néfastes à court moyen et long terme sur la santé et le comportement ( tels que le développement de troubles anxieux, une perte d'estime de soi, des troubles addictifs et/ou dépressifs, et aussi des pathologies somatiques tels que les troubles cardiaques, immunitaires, etc, et aussi le risque de reproduire la violence reçue ou d'en subir dans les relations futures.)

Nous savons et pourtant beaucoup d'adultes méconnaissent encore cet impact ou le nient.

Il en est malheureusement encore souvent de même pour d'autres formes de violences subies par les enfants dans leur milieu intra-familial, tant la famille reste souvent perçue comme une sphère totalement privée où la liberté peut primer sur les droits humains.

Muriel Salmona, psychiatre dit ainsi dans un article de mars 2020 de la revue Sciences Humaines * : " L’autorité parentale n’est pas un droit. C’est une responsabilité qui consiste à protéger l’enfant. Porter atteinte à l’intégrité de l’enfant est un abus d’autorité et une atteinte à ses droits. Bien entendu, il est du rôle des parents de donner des règles et des limites aux enfants, mais il y a beaucoup d’autres moyens que de les punir avec des gestes violents : en adaptant son environnement, en lui expliquant les choses…"

Alors bien sûr, cela peut ne pas être confortable de se rendre compte que notre attitude dessert notre enfant et n'est pas conforme à la loi (même si la loi d'interdiction des VEO ne prévoit pas de sanction). Cela peut même générer un ressenti désagréable de culpabilité. Pour autant, avons-nous été jugés et ce ressenti de culpabilité est-il néfaste et à éviter ? Informer des conséquences de certains comportements, du repère de la loi et apporter des pistes pour modifier les pratiques, relève pourtant de la prévention de base au même titre que pour d'autres risques (comme le fait de secouer les bébés, de ne pas attacher les enfants en voiture ce qui était le cas autrefois…) et n'implique pas nécessairement que la personne ait été jugée "mauvaise". Si la personne ressent de la culpabilité , cela montre plutôt un début de prise de conscience et de remise en question. En effet, la culpabilité fait parties des émotions qui permettent aux individus de réguler leurs actions. Les psychologues disent d'ailleurs que seules les personnalités psychopathes ont assez été coupées de leurs émotions pour ne pas ressentir de culpabilité. Laurent Bègue , psychologue social écrit : "La culpabilité est une expérience émotionnelle désagréable, caractérisée par un sentiment de tension, d’anxiété et d’agitation. Mais, bien avant de constituer une manifestation inadaptée, elle est un signe de bonne santé psychologique."

C'est donc une émotion structurante qui favorise l'empathie et n'est pas à éviter, même si elle peut nécessiter d'être accompagnée pour ne pas s'y enfermer et pour trouver des pistes d'évolution. C'est tout l'intérêt du soutien à la parentalité : informer des besoins de l'enfant, tout en prenant en compte aussi les propres besoins des parents, dans un processus de parentalité que l'on sait d'autant plus complexe que tout parent fait ce qu'il peut avec son vécu et a un potentiel d'évolution.

Muriel Salmona ajoute dans le même article de Sciences Humaines : " C’est important d’informer les parents sur les conséquences des violences, comme cela a été fait par exemple pour les enfants secoués, ce qui a permis une prise de conscience de ces pratiques. C’est aussi important de conseiller les parents quand ils sont en difficulté et de leur donner des outils pour mieux gérer les crises, comprendre les mécanismes qui mènent à la violence et en sortir. Les études montrent qu’on obtient les meilleurs résultats lorsqu’on associe ces trois éléments : une législation interdisant les violences, des campagnes de sensibilisation et des dispositifs d’accompagnement pour les parents."

Cette information est d'autant plus importante qu'elle est bien souvent méconnue et qu'à l'inverse des idées reçues erronées sont véhiculées comme "les fessées , j'en ai reçu et j'en suis pas mort". De même, laisserions -nous penser "bébé, j'ai été secoué et j'en suis pas mort" ou bien "enfant, je n'avais pas de ceinture de sécurité et j'en suis pas mort"? Le fait de ne pas en être mort ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas pu y avoir de conséquences plus ou moins graves, cela montre juste qu'on a eu de la chance (que d'autres n'ont pas eu) et qu'on a besoin de connaître les risques et les recommandations actuellement connues. Il en va de même pour les VEO que les parents et tous les adultes ont besoin de connaître et d'éviter selon la loi les interdisant, dans l'intérêt supérieur de l'enfant afin de préserver sa sécurité physique et psychologique.


A l'approche de la journée de la non violence éducative, espérons que les prochaines mesures pour l'accompagnement à la parentalité intégreront pleinement la juste place des droits de l'enfant avec notamment la loi de juillet 2019 relative à l'interdiction des VEO, composante essentielle et complémentaire d'une parentalité responsable pour des besoins de l'enfant respectés.




Vous pouvez retrouver toutes les affiches et les flyers "On a tous des droits" ainsi que les ressources s'adressant aux enfants, aux adolescents et aux acteurs éducatifs sur le site de ce blog

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